Yam’Tcha–à quoi ça sert? Y’a plus rien à dire…

Inconditionnelle de l’Astrance, je suis forcément biaisée mais, parmi les anciens de l’Astrance, je trouve que c’est vraiment Adeline Grattard qui a su trouver son propre style, sa propre cuisine, tout en conservant les bases finalement très strictes de l’Astrance, notamment sur la qualité des produits et surtout les cuissons. Si, à l’ouverture, on pouvait encore reconnaître un certain style « Astrance », aujourd’hui c’est devenu le style « Yam’Tcha ». Ceci vaut également pour les thés.

 

 

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Cela faisait quelques mois que je n’y étais pas retournée. Craignant une reprise post vacances difficile, j’étais un peu appréhensive, mais au final je suis sortie époustouflée par la force de cette Bourguignonne qui n’a peur de rien et son mari qui s’affaire aux thés comme si c’étaient tous ses petits bébés (l’ayant vu avec sa fille, l’analogie est littérale).

 

Cela a commencé par un petit bol de crème de maïs avec cubes de tofu fumé. Je suis un peu, comment dire, allergique ? dubitative ? des crèmes de maïs, car bizarrement c’est LE potage qu’on sert partout au Japon dans ce que nous appelons les family-restaurant, des espèces de cantine de cuisines toutes espèces confondues, avec des grandes cartes pleines de photos, pas cher, où on peut emmener les enfants comme son nom l’indique. Alors que cela n’a jamais vraiment existé en France du moins ma connaissance. Et cette année c’est la 3e ou 4e fois qu’on m’en sert. Celle-ci est bonne, très soignée, délicate, sans être transcendantale.

 

 

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Thon blanc, juste saisi, avec des moules et des nouilles transparentes (pas des nouilles de riz, plutôt de fécule ou de soja vert, je ne sais pas exactement). C’est très bon, très frais, et surtout une très belle cuisson, ce qu’on appellerait chez nous au Japon un tataki, technique utilisée notamment pour le sashimi de bonite, qui est juste grillé en surface, avec tout l’intérieur cru. Pour nous cela reste un sashimi.

 

 

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Énormes progrès bien évidemment sur les petits pains vapeur. Les premiers essais, farineux, secs, durs, ne sont qu’un très lointain cauchemar…

 

 

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Ceci est un plat qui m’a mise – excusez-moi l’expression – sur le cul. Homard, avec coquilles saint Jacques séchées, je présume de l’ail et/ou de l’oignon. Les Chinois sont très forts avec les produits séchés, que l’on fait revenir dans de l’eau ou autre chose, puis qu’on cuisine de différentes façons : aileron de requins, coquilles Saint-Jacques, méduses, concombres de mer… C’est une excellente méthode qui décuple l’umami d’aliments qui à la base n’en ont pas forcément beaucoup. Les Saint-Jacques, non seulement ont suffisamment d’umami lorsqu’elles sont crues, mais lorsqu’elles sont séchées et revenues (suis pas sure que ça se dise ça…) elles deviennent un excellent assaisonnement, apportant sel, umami, et une petite résistance sous la dent, un peu de « mâche » comme disent les cuisiniers.

 

Mais ce n’est pas tout : il y a aussi ce qui ressemblerait à des minuscules pastèques mais qui à l’intérieur se rapprocheraient plus à des mini-concombres, et qui au goût ne ressemble ni aux uns ni aux autres mais est bien acidulé. Je n’ai aucune idée du nom de ce fruit ? légume ? Bien que j’en aie déjà mangé, je crois, en Asie. Il y a encore de la tomate ananas ? Jaune ? Bref un cœur de tomate bien ferme pas très sucré ni trop juteux, coupé à l’épaisseur qu’il faut, pour donner une bonne fraicheur à un plat très chargé en umami. Pour couronner le tout, un jaune d’œuf poché à la sauce soja : je m’attendais à ce qu’il coule, eh bien non, il ne coule pas, mais n’est pas solide non plus. Comment obtient-on cette texture ? Mystère.

 

En un mot, un plat époustouflant. Réfléchi, travaillé, technique, maîtrisé, et au final extrêmement bien réussi.

 

 

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Le prochain plat était un autre chef-d’œuvre dans son genre : boudin noir, trompettes de la mort, de l’encornet. Un assaisonnement très légèrement sucré avec beaucoup d’umami, que je n’ai pas réussi à déchiffrer. Probablement que les uns et les autres s’assaisonnent mutuellement, aidés bien entendu de quelques condiments. Ce plat est accompagné d’un riz comme on n’en voit pas souvent à Paris.

 

 

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Ce n’est pas un riz japonais, bien qu’il soit à grains plutôt ronds et courts : il n’a pas le côté très sucré du riz japonais (quand il est bon), ni le parfum très prononcé du riz thaï et encore moins celui du riz basmati, mais il a un parfum subtil et très équilibré, dans une cuisson absolument réussie, très risquée. Ce riz se marie excellemment bien avec à la fois le sucre du plat et le thé (étant toujours complètement absorbée par la bouffe j’oublie à chaque fois quel est le thé qui accompagne chaque plat). J’ai été très impressionnée par la cuisson de ce riz car je sais, en tant qu’Asiatique, que les Français généralement ne savent absolument pas cuire le riz. C’est probablement une différence culturelle. Mais en Asie nous n’aimons pas le riz qui a un cœur, comme dans les risottos italiens. Cela est probablement dû au fait que nous consommons notre riz nature. Mais le riz nature en France est presque toujours aqueux, délavé, sans texture. Si ce riz avait cuit quelques secondes de moins, il aurait été al dente ; quelques secondes de plus, il n’aurait pas eu cette texture presque élastique mais pas tout à fait, qui ne colle pas et qui résiste un peu quand même.

 

 

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Ensuite vient un poisson, un poisson blanc, turbot peut-être je ne me souviens plus. Avec des algues vertes mélangées à quelque chose de blanc, pas crémeux du tout, avec quelques tranches de radis que Adeline est venue nous rajouter. À la première bouchée ce plat m’a paru trop salé, mais c’est là que j’ai rencontré une huître : oh ! Miracle. L’équilibre est soudain rétabli, et encore plus avec une première gorgée de thé. L’association mets-thé ici était superbe (évidemment je ne me souviens absolument pas quel thé c’était, seulement que ce n’était pas un thé noir)

 

 

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Dernier plat : un pigeon avec une très fine tranche de lard et du potimarron (je crois), la cuisse confite et un jus. Très bon, rien à dire. Parfait, excellent, superbe, et je n’en peux plus.

 

 

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Mais je prends quand même le fromage, un stilton et un comté (pardon si je me plante complètement, je ne me souviens plus…), tous deux excellents et un très très bon mariage avec le thé, qui était si ma mémoire est bonne (c’est rarement le cas) un thé vert bio. Chinois, évidemment. Là encore, nous sommes loin des premières associations de thés et de fromages, qui étaient, comment dire ? psychologiquement usantes.

 

 

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Joli dessert comme d’habitude, très simple mais très bon.

 

Je crois que cela fait deux ans et demi que Yam’Tcha a ouvert, mais les progrès que ce soit en cuisine ou en thés sont vraiment remarquables. Je suis extrêmement admirative devant tout ce qu’a accompli ce couple, aussi original que fou, aussi courageux que fort, de vrais tarés, quoi ! On adore !

 

Yam’Tcha

4 rue Sauval 75001 Paris

01 40 26 08 07