Recettes du Nouvel An

Le Nouvel An est pour nous, Japonais, l’équivalent de Noël en France. C’est une série de gros repas traditionnels que nous faisons en famille.

osechi

 

* Aller directement à la recette de kazunoko, du kinpira gobô, du foie gras au saké, et du ponzu.

Cela commence plus ou moins le 31 décembre, lorsque pendant la nuit, nous mangeons des nouilles soba, symboles d’une longue et fine vie. Les sobas peuvent être à n’importe quoi, au tempura, au daikon râpé ou ce que vous voulez, à condition que vous mangiez des soba chauds parce qu’il fait froid.

Pendant le mois de décembre, la tradition voudrait que les femmes préparent l’osechi, une multitude de petits plats qui se gardent et que nous mangeons pendant les trois premiers jours de l’année. Ceci afin qu’elles n’aient pas à travailler pendant ces trois jours qui représentent pour nous le Nouvel An.

Dans la pratique, j’ai remarqué qu’elles travaillent plus que les autres jours car pendant l’Oshôgatsu – le Nouvel An, qui englobe les 1er, 2 et 3 janvier – on reçoit la famille et les amis proches chez soi, ainsi que les collaborateurs et les apprentis…bref, tout le monde vient casser la croûte et il faut sortir les boites bien remplies à chaque fois.

Parce que l’osechi se présente dans des ojû qui sont des boites carrées laquées, empilées par 3 ou 5.

Voilà pour la tradition.

Aujourd’hui au Japon, l’osechi est le plus souvent acheté en « pièces détachées » – c’est à dire qu’on achète séparément les éléments qu’on met dans des boites avec quelques plats qu’on a réalisés soi-même -, ou commandé chez le traiteur ou à un restaurant. Certains restaurants français le réalisent avec des éléments plus ou moins français comme le foie gras et le canard. Et les restaurants japonais font quand même de très beaux osechi dans la pure tradition.

C’est une fête-cérémonie-tradition qui perdure chez nous et qui n’a pas trop changé au fil du temps. Si ce n’est qu’aujourd’hui, plus personne ne cuisine TOUT les éléments chez soi. C’est juste un travail énorme et qui demande non seulement beaucoup de temps mais aussi de la technique.

Chez nous à Paris, je tiens à faire le Nouvel An japonais pour que mes enfants connaissent cette tradition de « grande bouffe » japonaise. Et parce que ce sont des moments de mon enfance, passés avec joie chez mes grands parents, qui me sont restés.

Ceci dit, je commence généralement à cuisinier le 30 décembre à 23 heures, et en 2014, c’était encore pire puisque je m’y suis mise dans la soirée du 31. Comme excuse je peux avancer la difficulté de trouver des ingrédients japonais de qualité à Paris, de trouver des ingrédients autres que des huitres et du chapon, l’absence de traiteur japonais, l’absence évidemment de restaurant japonais français ou qu’importe, qui soit capable et veuille bien faire un osechi. Bref c’est le désert.

Mais en réalité, j’admets que j’avais tout simplement la flemme car ici en France, il y a eu Noël 7 jours auparavant.

Voici ce que j’ai concocté pour le Nouvel An.

Nouvel an 2015

La coutume voudrait que nous ayons une belle daurade grillée tout simplement car la daurade se dit taï en japonais et que médétaï signifie « auspicieux. »

La langue japonaise est ainsi faite de plein de jeux de mots dépourvus de tout sens logique.

La daurade est totalement introuvable en fin d’année en France où les poissonniers ne vendent plus que des huitres et du homard. Cette année, j’ai demandé à un de mes copains cuisiniers qui a commandé ce qu’il a pu – un gros pagre de 4,5 kilos que j’ai eu un peu de mal à enfourner.  Heureusement que j’ai un grand four de 90 cm.

La daurade – ou le pagre – doit être généreusement salé et reposé quelques minutes avant d’être cuit, à la japonaise, pour le raffermir en lui enlevant un peu de son eau.

On le cuit le 31 décembre et on le mange froid les 1er, 2 et 3 janvier avec juste un peu de sauce soja.

 

kazunoko

Incontournable du Nouvel An, le kazunoko.

Traduit littéralement, cela donne « l’enfant du nombre » ce qui ne veut rien dire en français : en japonais, cela sous-entend la multitude. Évidemment, puisque dans une bouchée on doit avoir quelques dizaines d’œufs.

Ce sont des rogues de harengs salées, vendues dans le commerce. En France, on les trouve également au rayon surgelés, dans les épiceries japonaises.

On trouve aussi des rogues de hareng chez le poissonnier mais elles ne sont pas assez croquantes.

La rogue ne se cuit pas. Elle est juste dessalée puis assaisonnée.

On l’aime pour son croquant et pour son goût salé, plein d’umami. J’ai cherché un moyen pour le décrire et le mieux que j’ai trouvé est d’imaginer du caviar rempli de jus (l’iode et le sel) à craquer, comme un citron caviar (le côté « petits grains très fermes qui craquent entre les dents »). Ou encore de la poutargue qui aurait la texture juteuse d’un concombre…

On peut l’apprêter de différentes façons mais je préfère la plus simple.

 

Recette de kazunoko

– Dessaler les rogues de hareng en les trempant dans de l’eau froide salée. Selon le dégré de salage, il faudra les laisser ainsi pendant au moins 2 jours au frais. Elles sont prêtes quand elles vous sembleront suffisamment salées pour être bonnes mais pas au point où vous faites une grimace en les goûtant.

– Les sortir de l’eau de trempage et les mettre à mariner cette fois dans un très bon dashi, de préférence de kombu et de katsuo-bushi. Bien couvrir de dashi, les bouts qui dépassent vont sécher et peuvent se gater plus vite. Au frais pendant au moins 24 heures.

– Les rogues se dégustent avec un peu de katsuo-bushi à partir du lendemain, pendant plusieurs jours.

 

gobo

Le kinpira-gobô n’est pas spécifique au Nouvel An mais on le retrouve assez souvent dans l’osechi, probablement parce qu’autrefois, on pensait que le gobô donnait des forces.

Le gobo est une plante dont on consomme la racine. Celle-ci ressemble un peu au salsifis mais reste très ferme et fibreuse même cuite. Elle a un goût très terreux.

On l’utilise pour plein de choses mais l’un des plats les plus emblématiques est le kinpira-gobô.

Comme beaucoup de plats japonais, il se garde plusieurs jours et se déguste avec du riz.

 

Recette de kinpira-gobô (de La cuisine du Japon, Éd. Gründ)

150 g de gobô
50 g de carotte
1 cuillère à soupe d’huile de sésame
2 cuillères à soupe de saké
2 cuillères à soupe de sucre
2 cuillères à soupe de sauce soja
Quelques grains de sésame (facultatif, puisque j’ai oublié)
Un petit piment rouge séché (idem…)
Gingembre frais émincé (facultatif)

– Peler le gobô (de la même façon qu’une carotte, la peau étant très fine) et le détailler en julienne dans le sens des fibres, c’est à dire verticalement. Détailler la carotte de la même façon.

– Chauffer l’huile et y faire revenir le gingembre frais. Ajouter le gobô puis les carottes.

– Lorsque les légumes sont cuits, ajouter le sucre, le saké et la sauce soja, le piment coupé en rondelles. Servir tiède ou froid, avec du sésame.

foie gras au sake

Étant un peu désespérée cette année, j’ai également fait du foie gras au saké avec du daïkon râpé et du ponzu pour faire japonais.

 

Recette de foie gras au saké
Un foie gras de 600 à 700 g
1 -2 cuillères à café de saké
Un peu de sel
Un peu de katsuo-bushi
Un peu de daïkon râpé
Un peu de ponzu

– Préparer le foie gras, le saler, verser le saké dessus et le mettre à mariner pendant quelques heures.

– Le faire cuire à la vapeur. Exactement comme un filet de poisson, sur une feuille de papier sulfurisé pendant 30 minutes.

– Le rouler dans du film alimentaire pour lui donner une forme de boudin. Le laisser refroidir un peu avant de le mettre au frais pendant au moins 3 jours.

– Le servir avec une peu de katsuo-bushi, du daïkon râpé et du ponzu.

* Le ponzu n’est pas compliqué à réaliser mais en France, il est pratiquement impossible de trouver les ingrédients qu’il faut.

Bien que le ponzu soit à l’origine un mélange de jus d’agrumes additionné de vinaigre, aujourd’hui le mot est généralement employé pour désigner le « ponzu-shoyu » qui est une sauce salée et acide. Elle accompagne les poissons cuits notamment dans les nabés (fondues japonaises). Elle n’est pas sucrée et on l’apprécie pour son acidité perçante que vient adoucir le sel et l’umami.

On trouve du ponzu dans le commerce, prêt à l’emploi.

Il y a bien entendu autant de recettes que de familles et de régions, mais on le préfère avec du jus de daïdai (citrus aurantium), de sudachi (citrus sudachi) ou encore de kabosu (citrus sphaerocarpa) parfois additionné de yuzu pour le parfum.

En France, le seul moyen d’avoir suffisamment d’agrumes japonais est d’acheter des jus 100% dans les épiceries japonaises. Évidemment, le parfum est complètement différent. Attention aux bouteilles marquées « 100% ponzu » ou « 100% jus de ponzu », qui ne veulent rien dire et qui contiennent souvent des conservateurs.

Je n’ai jamais essayé avec du citron jaune ni vert mais je ne pense pas que l’orange convienne car elle me parait beaucoup trop sucrée.

L’important est le temps de repos, d’un mois minimum.

 

Voici une recette simple de ponzu qui se réalise à froid

0,5 litre de  jus de sudachi
0,5 litre de sauce soja
0,2 litre de de mirin (facultatif. On l’emploie pour adoucir l’acidité, selon les goûts de chacun. Avec du jus en bouteille, souvent moins acide que le jus du fruit, le mirin n’est pas vraiment nécessaire)
Un morceau de kombu de 5 cm x 10 cm
50 g de katsuo-bushi

– Mélanger tous les ingrédients. Laisser reposer pendant une nuit. Filtrer. Réserver dans une bouteille stérilisée avec un bon bouchon et laisser reposer pendant un mois au frais.

Le ponzu sera meilleur après 3 mois de repos.

(à suivre…)