Y’a des gens comme ça avec lesquels on se sent bien dès la première fois. Quelqu’un à qui on peut dire des choses qui seront comprises sans trop d’explications parce qu’on est fatigué ou naturellement flemmard.
C’était comme ça avec Sophie. Je l’ai rencontrée en septembre de l’année dernière et nous ne nous sommes vues qu’une fois depuis. Mais lorsqu’elle m’a donné des adresses de resto, je les ai mises sur un post-it collé sur mon écran de PC. Je n’en ai que deux, des post-its. L’un contient toutes les infos du calibrage d’un livre que je dois finir depuis mai 2011. Sur l’autre, infiniment plus précieux, s’alignent trois adresses conseillées par Sophie.
Donc, le Shan Dong. J’ai commandé au hasard. Ce qui semblait sortir de l’ordinaire.
Aubergine à l’ail. La carte précise que le plat est froid. La serveuse me le répète aussi. Faut croire que les Français sont vraiment allergiques à l’aubergine froide…mais les Français n’y connaissent rien en aubergine! Je n’avais pas de grandes attentes, avec la salle vide et tout …mais avec cette première entrée je me redresse d’un coup sur ma chaise. Je dis à mon mari, d’une voix émerveillée qui n’ose pas y croire…“C’est bon ici…”
Les plats arrivent très vite. Racines de lotus au gingembre. C’est froid aussi. Super bon. Très très parfumé en gingembre. Frais, goûteux, fin. Assaisonnement parfait. L’épaisseur des tranches aussi, bien qu’elle soit irrégulière, n’est jamais trop épaisse (rêche) ni trop fine (mou, flasque et sans croquant).
Concombre de mer. Un produit rare en France, qui me manque dans les restaurants chinois car malgré qu’il soit sur la carte, quand j’essaie de commander, o me rétorque toujours ‘”y’en a plus aujourd’hui”. Idem, assaisonnement parfait. Je ne vous donne pas de détails sur la préparation car je n’y connais rien. C’est classique, mais c’est vachement bon. Très très bien exécuté.
Il faut savoir que le concombre de mer est un produit particulier. Il faut aimer ce qui est gélatineux : ce n’est pas une texture qu’on aime beaucoup en Europe. En Asie, par contre, on adore. C’est un produit de luxe. Le concombre de mer est séché puis on le fait revenir pour le cuisiner.
Un pain ou brioche nature, à la vapeur. Absolument superbe. Léger, aérien, avec ce bon parfum des pains vapeur chinois. Je sauce le concombre de mer avec. Mais même tout seul, il est bon. C’est très très rare de rencontrer un pain aussi bien fait, avec tous ses plis, parfaitement distincts et bien formés.
Intestin ou tripe de porc frite, accompagnée de “crêpes”, concombre et poireau émincés, et de sauce hoi sin, exactement comme le canard pékinois. On roule la viande, les légumes et un peu de sauce dans la crêpe. Là, l’expérience est moins concluante. Je n’ai pas compris. Les crêpes, achetées et pas faites maison, étaient collées ensemble, et même pour un amateur d’abat comme moi, l’intestin ne remplace pas le canard pour ce plat. Le canard pékinois est un plat de luxe : celui-ci doit être la version du pauvre. Mais ici, il vaut probablement mieux commander d’autres plats, plus réussis. Cela ne doit pas manquer.
Deux types de raviolis. Devant, raviolis au poisson, derrière, au bœuf. Servis par 12. Comme il y en avait d’autres sur la carte, j’ai demandé si on pouvait avoir 6 de chaque, mais non : “pas possible, désolé”. Ceci dit, ils sont petits, et passent très très bien car, comme tout le reste, absolument délicieux, surtout ceux au poisson.
Crevettes à l’ail, ou quelque chose comme ça. Je connais des restaurants où on vous sert des gambas qui font la moitié de ces crevettes….on appellerait ces crevettes plutôt des gambas, je pense. Elles sont ouvertes au dos, là où on les déveine, la chair à l’intérieur est intacte, mais elle est aussi farcie (on voit la farce qui forme comme une bosse sur le dos de la crevette). Super parfum d’ail et coriandre. Je suis anti-farce d’habitude, mais celle-ci est sublime. Trop trop bon. De la grande cuisine.
J’ai dit à mon mari: “ce mec-là, tu lui changes sa vaisselle, son cadre, tu le mets sur les Champs et tu triples ses prix, il serait tout le temps complet ! “
Quand nous sommes arrivés, la salle était déserte. Quelques minutes plus tard, 4 personnes sont arrivées. Mais à moins d’avoir eu une foule avant notre arrivée, cela faisait tout juste 6 couverts pour la soirée. Bizarre…mais tant mieux! Au moins, on mange super bien sans avoir à réserver 2 mois avant.
Je ne savais pas que Shan Dong était une province de Chine. Cela s’écrit “montagne” et “est”. “La montagne de l’est” ou à “l’est de la montagne” ? Au mur, il y a une grande photo un peu passée, de Qingdao ou “ile bleue”, ville du Shan Dong devenue célèbre grâce à la bière (Tsingtao). La salle pourrait être celle d’un traiteur quelconque. Les tables sont rouges. Aucune ambiance. Si on vient, c’est vraiment pour manger.
Une excellente adresse, apparemment peu connue. Je me demande pourquoi tout Paris n’y est pas. Soit je suis tombée sur un jour où le chef a eu un coup de génie, soit les gens ne savent pas ce qui est bon, soit c’est parce que le lieu est un peu paumé. C’est vrai que c’est le 13ème, donc, le quartier chinois, mais boulevard de l’hôpital, ce qui est nettement moins gai. On ne vient pas ici par hasard.
Pour tout ça plus un thé et une bière Tsingtao : 82,50€. Nous étions deux, mais la serveuse a dit que ça suffisait comme ça, c’était déjà trop et n’a pas voulu que je commande plus…mais c’est qu’elle ne nous connait pas!! Bon d’accord, pour des gens “normaux”, avec un bol de riz, cela pourrait nourrir facilement 4 ou même 6 personnes…
CE N’EST PAS UN CANTONAIS: la province de Shan Dong est à l’est de la Chine, sur la mer jaune, et fait partie de la Chine du Nord. Rien à voir avec Canton. N’y allez pas si vous voulez des dim sums, du poulet citron ou aux amandes, des nouilles au porc laqué.
Les Délices de Shan Dong
88 boulevard de l’Hôpital 75013 Paris
Tél: 01-45-87-23-37
http://www.deliceshandong.com/
Le blog de Sophie Brissaud
