Bonbons Misuzu un goût du Japon

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La semaine dernière, un ami m’a apporté une boite de bonbons du Japon. Ce sont des Misuzu-amé ou bonbons Misuzu, spécialité de la région de Nagano.

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Cinq parfums, cinq couleurs que l’on discerne à peine à travers le papier japonais qui les enveloppe. Pâles, ils sont jolis, avec un vague air de nostalgie.

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Dans le “mode d’emploi”, il n’y a aucune indication sur les parfums et les goûts. Juste un mot qui fait mention du pays de Shinano. Ce petit papier inséré dans une boite de bonbons me rappelle que le japonais aime la nature. Et que c’est une langue difficile à traduire…

Le pays de Shinano est un pays de sanshi-suimei, déjà chanté dans les anciens poèmes japonais du 7ème siècle” dit-il. Sanshi-suimei se traduirait en français par “la lumière du soleil teint la montagne en un doux violet, et rend l’eau de la rivière claire et limpide”. Ce qui ne donne pas du tout la même ambiance. Tout cela en 4 syllabes.

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En tournant le petit rectangle dans son papier dans tous les sens, je découvre sur le côté deux lettres en tout petit: “momo”. La pêche. Ah, voici donc les cinq parfums: abricot, pêche, pomme, raisin, agrume japonais (non, ce n’est pas du yuzu).

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À l’intérieur, un petit rectangle doré. Il est recouvert d’une fine feuille d’oburâto. Ce dernier vient du néerlandais oblaat dont l’origine est l’oblatus latin.

Et voilà que les souvenirs me reviennent…Je parle souvent de ma grand-mère qui n’était pourtant pas la mère de ma mère mais la troisième femme de mon grand-père. Elle était pharmacienne lorsqu’elle a rencontré mon grand-père à l’hôpital où il venait de se faire opérer pour son ulcère. Coureur de jupons invétéré, ou devrais-je dire de juban (sous-vêtement du kimono), mon grand-père a dû facilement séduire ma grand-mère vieille fille à 40 ans.

Un jour, j’ai découvert dans leur grenier une commode recélant d’immenses trésors pour l’enfant que j’étais : seringues en verre (sans les aiguilles, malheureusement), pincettes en inox du genre dont les médecins se servaient pour stériliser une plaie, petit miroir de dentiste pour examiner derrière les molaires tout au fond de la bouche. Et un paquet en carton, tout rond, de feuilles d’oburâto dont j’ignorais l’utilisation. Ma grand-mère m’explique alors qu’autrefois les pharmaciens enveloppaient les médicaments, en poudre et pas bons du tout, dans ces feuilles qui fondaient instantanément en bouche, en y laissant un léger film un peu collant.

J’ai trouvé cela absolument formidable et je crois bien avoir fini la boite, en faisant des “cachets” de sucre en poudre, des “rouleaux de printemps” avec des caramels mous, et à la fin, en mangeant les feuilles comme ça, juste pour les sentir fondre dans ma bouche. On dit qu’elles n’ont pas de goût, mais ce n’est pas vrai. Elles avaient une saveur infiniment subtile, de papier, d’amidon, de carton, de blé et de riz.

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Cela fait plusieurs décennies que je n’y avais pas pensé…tout d’un coup, grâce à cette petite gelée de fruits, je sens l’odeur de la poussière du grenier, dans la vieille maison japonaise en bois de mes grands-parents. Le parfum des petites bourses que ma grand-mère mettait dans les tiroirs, non pas de lavande, mais du bois de sental que j’associe toujours aux lourds kimonos en soie. Le parfum, aussi, inexorablement lié à ma grand-mère, de thés, sencha, hôji-cha et matcha, qui semblait la suivre partout, laissant des sillons invisibles que je reniflais dans les longs couloirs de la maison.

Je ne sais pas si c’est le souvenir ou la gourmandise, probablement les deux. Mais coup sur coup, j’ai mangé une dizaine de ces bonbons. Oui, ce sont des pâtes de fruits, faites du jus des fruits, de mizu-amé (litt. “bonbons d’eau”. Sirop de fécule) et d’agar-agar. Plus fermes que les pâtes de fruits françaises, elles sont également beaucoup moins sucrées. On sent plus le fruit, mais japonais, c’est à dire moins présent, moins puissant, moins parfumé. D’une délicieuse fadeur…un peu poussiéreuse comme les souvenirs d’enfance.