Sushi B – New kid on the block

Je suis allée chez le nouveau sushi de Paris, Sushi B, qui a ouvert il y a une semaine au 5 rue Rameau, Paris 02.

Le restaurant est très joli. On se croirait à Ginza. C’est à la fois chic, épuré et luxueux. 8 places au comptoir. 4 au bar où, si la salle est pleine, on pourra manger, me dit-on.

Le chef sushi se nomme Masayoshi Hanada. Seul derrière le comptoir, il est jeune et fort sympathique. Son sourire est franc et sincère. Il porte des lunettes rondes qui lui donnent un air vaguement rigolo et très accueillant.

Le cuisinier est Isao Horai. Plus réservé, plus calme, un peu plus tendu aussi, vous ne le verrez pas vraiment puisqu’il officie dans sa cuisine au sous-sol. Mais s’il monte ses plats, il vous fera une petite courbette très japonaise en murmurant « irasshaimase » (bienvenue). Il faudra lui répondre par un petit salut de la tête. Il n’en sera que plus confus.

Tout était parfaitement exécuté, fin et délicat. Chef Hanada est originaire du Kyûshû. Alors ses sushis sont doux, ronds, accueillants et sympathiques. Féminins et chaleureux. Généreux et simples.

Si vous recherchez le coup de poing dans la figure, l’expérience spirituelle du sushi à déguster dans la méditation et la contemplation (zen), ne venez pas ici. Mais si vous voulez passer une soirée agréable, déguster dans le plaisir et la détente, sourire sans arrière-pensée, et vivre un moment de douceur de vivre à la japonaise, vous n’en serez que comblé.

Voici, non pas le sushi du gourmet cérébral, mais du bon vivant. Cela nous manquait à Paris.

 

Goma-dofu.
Goma-dofu.

 

« Tofu » de sésame légèrement frit, coiffé d’une noisette de wasabi frais, avec une goutte de sauce soja. Très fin, il faut attendre une seconde ou deux pour sentir le sésame dans l’arrière du palais. Une entrée en matière très très délicate, avec une certaine fadeur, qui annonce une cuisine gastronomique plutôt du kansai et du sud du Japon, qui s’oriente plus vers la douceur et la rondeur plutôt que l’umami et le sel de l’est et du nord du Japon.

Nous appelons ceci un « tofu » mais cela n’a rien à voir avec le tofu de soja. Le nom n’est dû qu’à la forme cubique, rectangulaire. C’est en réalité une pâte de sésame et de kuzu : l’amidon de kuzu (Pueraria montana), utilisé comme gélifiant dans la grande gastronomie.

Le wasabi est évidemment du vrai, fraichement râpé devant nos yeux.

 

Shira-aé de shiitaké frais, shungiku et kaki.
Shira-aé de shiitaké frais, shungiku et kaki.

 

Le shira-aé est une préparation traditionnelle dans laquelle du tofu (de soja, le vrai cette fois) est réduit en purée à la main et assaisonné, puis mélangé à plusieurs ingrédients – souvent des légumes – coupés en petits morceaux. Ici, c’est du shiitaké frais et du shungiku blanchis, avec du kaki cru. C’est très très bon. Je suis surprise par le parfum du shungiku : ce légume, bien que facile à trouver en France, est rarement parfumé ici.

Ah ! Il vient de chez Joël Thiébault…Ça explique tout.

 

Barbue, oursins, myoga, cerfeuil, shiso pourpre.
Barbue, oursins, myoga, cerfeuil, shiso pourpre, wasabi frais.

 

Les oursins sont excellents. Gros et gras, ils apportent la touche d’iode qui donne le ton au plat. Le myoga (Zinziber mioga) vient du Japon, ce qui explique probablement pourquoi il est si parfumé (les rares myoga que j’ai rencontrés en France étaient pauvres en parfum). À noter qu’on l’appelle souvent « échalote japonaise » mais cela n’a vraiment rien à voir, que ce soit au niveau du goût, du parfum ou quoi que ce soit.

Le myoga est frais, très frais, presque aqueux sinon pour ses fibres qui croquent encore plus qu’une tige de romaine très vivace. Il n’est pas du tout piquant et ne sent ni comme l’oignon ni comme l’ail ni comme le poireau. Il sent le myoga…

Le cerfeuil et les pousses de shiso pourpre sont autant de fraicheurs de plus. Avec une goutte de sauce soja pour le sel et l’umami. Et bien sûr, la noisette de wasabi frais qui donne du peps à tout.

 

Rouget en écailles, citron caviar, chou de Bruxelles, navet.
Rouget en écailles, citron caviar, chou de Bruxelles, navet.

 

Je ne suis pas fan du plat chaud avant le sushi mais celui-ci est néanmoins très bon. Le rouget en écailles est bien croustillant, avec ses petits grains de citron caviar pour rafraichir. Le radis est cru, le chou de Bruxelles est saisi, presque roussi. Les deux sont assaisonnés d’un miso blanc aigre-doux.

 

Cèpe, huître, homard en mizoré-ni.
Cèpe, huître, homard en mizoré-ni.

 

Lorsque vous voyez « mizoré » vous savez qu’il y a du daikon râpé. Cela signifie « neige mouillée » en japonais et ce n’est peut-être pas très joli en français. Imaginez pourtant, non pas la neige qui commence à fondre sur un trottoir parisien, mais celle qui tombe, presque blanche, presque transparente, à certains jours du tout début du printemps quand on aperçoit enfin la fin de l’hiver. Elle est jolie celle-la, ne trouvez-vous pas ?

 

Tasse à saké.
Tasse à saké.

 

Nous avons commandé un saké, le Honshuichi, qui était vraiment très bon. On nous a apporté tout un assortiment d’ochoko, les petites tasses à saké, pour que nous en choisissions une chacun. En effet, au Japon, chacun peut avoir un ochoko différent cela ne choque pas, au contraire…

Alors j’ai pris celui qui était le plus large, le moins profond et le plus japonais.

Si, si, il y a du saké dedans. Un petit fond.

 

Encornet.
Encornet.

 

Le menu sushi commence par un bar dont j’ai oublié de prendre la photo. Il était parfait. Un très bon début. Puis vint un encornet absolument étonnant. Fondant comme une fine purée, j’aurais envie de dire comme un aligot si le goût n’était si différent.

Je demande au chef comment il a obtenu cette texture (car c’est impossible !). Il me répond que l’encornet aujourd’hui était gros, vraiment gros, et que cela lui a permis de le découper dans l’épaisseur. Puis il l’a détaillé en fines lamelles, comme des tagliatelles, en quelque sorte. Avec quelques grains de sel, tout simplement.

 

Langoustine.
Langoustine.

 

Tendre et rose, la cuisson est parfaite, presque crue à cœur. Contrairement à la crevette, qui n’arrive jamais vivante à Paris, la langoustine est vraiment fraiche et permet d’être assaisonnée de son corail. Et voilà.

 

Thon rouge.
Thon rouge.

 

Thon d’Espagne, aussi fondant et gras qu’une ventrèche avec toutefois une bonne acidité qui fait la différence. Terriblement exquis.

 

Saint-Jacques.
Saint-Jacques.

 

Légèrement cuite, me dit le chef. Elle a effectivement une texture inédite.

Elle est congelée très rapidement, décongelée, puis cuite à basse température dans son assaisonnement, puis aussitôt refroidie.

Je ne suis pas sûre d’être fan mais c’est très intéressant. Le chef me dit qu’il la cuisine ainsi lorsque crue au naturel, elle manque d’umami. C’est vrai que c’est un peu tôt pour la Saint-Jacques. Je crois que je la préfère crue toute simple mais il faudrait que j’y re-goûte… Ben oui.

 

Toro.
Toro.

La ventrèche du thon est un produit d’exception, qui remporte l’unanimité. Quoiqu’en disent les réels connaisseurs de sushi qui préfèrent le thon rouge, est-il vraiment nécessaire de comparer ? Fondant, gras, légèrement salé, voici le foie gras du sushi.

 

Engawa.
Engawa.

L’engawa est la partie qui se trouve tout au bout des grandes nageoires de la barbue (et de tout poisson plat). Croquant et plein de goût car ce muscle est très entrainé (ça nage, un poisson plat ! ), l’engawa est une pièce de choix souvent réservée aux habitués au Japon.

 

Chinchard mariné.
Chinchard mariné.

 

Si le thon est une condition sine qua non du sushiya, qu’il ne transformera que par le repos, le poisson bleu mariné est le produit dans lequel il déploiera son savoir-faire et son talent. Car le poisson bleu est « cuisiné », au sel, au vinaigre, et au temps. Ce chinchard mariné au sel et au vinaigre a reposé ensuite pendant 4 jours. De quoi lui donner énormément de goût et de fondant.

C’est très très très bon. J’adore. Le sel est rond, suave, délicat. Le vinaigre n’a été utilisé que pour rafraichir un tout petit peu et surtout pour rincer le poisson de son sel. Il n’y a aucune acidité, juste énormément de goût. Géniale bouchée, la meilleure de la soirée, peut-être.

 

Chinchard frais.
Chinchard frais.

 

Au Japon, on aime le chinchard très frais, pratiquement sans repos et haché en petits morceaux au couteau. On l’aime aussi un peu reposé, quand il a acquis du fondant et du goût mais sans pour autant être mariné. Voici un chinchard qui n’a reposé que 24 heures, le temps qu’il faut pour lui donner la souplesse et le fondant sans maturation ni marinade. Très frais, ce sushi est très différent de son prédécesseur, et on comprend à quel point la cuisine du sushiya est en réalité, une réelle cuisine, même si elle est crue.

 

Maquereau au kombu.
Maquereau au kombu.

 

Le goût du battera mais avec un kombu « normal ». Le battera est un sushi de maquereau pressé avec une très fine tranche aigre-douce de kombu shira-ita : découpée dans l’épaisseur du kombu, la tranche est tellement fine qu’elle est translucide. Sushi populaire d’Osaka, que l’on achète plutôt en boutique ou chez l’artisan, il est rarement servi au restaurant chez le sushiya car ce dernier fait du sushi d’Edo (donc de Tokyo, c’est à dire les nigiris et les makis).

Ici, c’est le goût du battera dans la forme d’un nigiri. Le kombu est fin mais n’a pas été détaillé dans l’épaisseur. Il est entier dans son épaisseur, et assaisonné au vinaigre sucré comme le shira-ita. Le maquereau est gras comme il faut, on admire la texture et la couleur de la ventrèche. Cela donne une curieuse impression de manger un battera mais plus raffiné et encore plus goûteux.

J’adore…

Maki de négi-toro.
Maki de négi-toro.

 

La ventrèche du thon est hachée avec du poireau, celui-ci étant ici assez présent pour équilibrer le gras persistant du thon.

 

Daikon à la moutarde japonaise.
Daikon à la moutarde japonaise, pour finir.

 

« Désirez-vous d’autres sushis ?  » dit le chef.

Puisque vous insistez…

Oursin.
Oursin.

 

J’ai demandé un oursin, un thon gras et un chinchard mariné.

Le restaurant vient d’ouvrir, il n’y a pas encore grand monde. Il faut en profiter tant qu’on peut…

 

Glace comme un mitarashi-dango.
Glace comme un mitarashi-dango.

 

Le mitarashi-dango est une pâtisserie japonaise populaire, faite de boulettes de pâte de farine de riz gluant, piquées par trois sur une brochette, grillées et nappées d’une sauce sucrée salée. Je ne sais pas comment ils ont fait mais ils ont su reconstituer la texture du dango dans une glace…avec de la farine de riz gluant dit le chef, mais cela ne doit pas être si simple. Et le goût salé et sucré, un peu miel, un peu sucre muscovado, un peu caramel, que tout Japonais reconnaitra.

Adorable dessert qui joue à la fois sur la nostalgie, sur des saveurs de street-food, et tout simplement sur le plaisir des textures et des saveurs…

 

Montblanc.
Montblanc.

 

Comme un montblanc avec de la gelée de whisky, et une gênoise sous la purée. Je n’aime jamais le montblanc alors je ne peux pas vous dire…

 

Les deux cuisiniers.
Les deux cuisiniers.

 

Tous les poissons viennent de la poissonnerie La Sablaise, rue Cler, à Paris 7ème.

Les autres produits sont de Terroirs d’Avenir ou Joël Thiébault.

Autant dire que tous les produits, mer et terre, sont … balaises.

Parmi les sushiya parisiens – et il y en a un certain nombre, maintenant ! – Sushi B est plus doux que Jin, plus sympathique que Sushi Onodera, moins cher que Sushi OKuda. Il m’est très difficile de les comparer car je leur trouve à chacun, qualités et défauts. Ce qu’il faut faire sans doute, c’est les alterner équitablement…

Menu de midi: 58€ à 130€ (je soupçonne que le menu déjeuner à 58€ doit être d’un très bon rapport qualité-prix).
Menu du soir: 130€ et 160€.
Menus végé midi et soir à 95€ sur réservation.

Sushi B
5 rue Rameau
75002 Paris
Tél: 01 40 26 52 87
Fermé le mardi.