L’inconnu, c’est italien – Koji Higaki

L’avenir de la restauration parisienne m’inquiète beaucoup.

Car voici encore un nouveau restaurant qui offre un rapport qualité-prix imbattable pour une très belle cuisine résolument gastronomique. Que vont devenir les palaces, les menus à 200€ quand on peut aussi bien manger – mieux ! – pour 65€ (et c’est le menu le plus cher…) ?

Il s’appelle Koji Higaki. Formé à la cuisine japonaise, il a dévié vers la cuisine italienne au Japon et en Italie, pour officier en tant que second chez Passage 53 sous le chef Shin Sato, de 2009 à 2014.

À partir du 27 novembre 2015, il sera chef de son propre établissement dans le 7ème arrondissement à Paris, pile en face de chez Aida, rue Pierre Leroux.

 

"Olive noire" œuf de caille, poudre d'olive noire.
« Olive noire ». Œuf de caille, poudre d’olive noire.

 

Un petit restaurant de 25 couverts qui s’appelle « L’Inconnu ».

Étonnante cuisine que voilà. Italienne ? Peut-être, avec des produits de première qualité travaillés simplement mais avec une grande virtuosité. Japonaise ? Probable, malgré l’absence de produits japonais – dont la qualité en France n’est pas à la hauteur, dit le chef – par une sorte de ligne droite perceptible du début du menu jusqu’à la fin. Française ? Aussi, par sa sophistication, sa finesse et son élégance.

 

Tarte de potimarron.
Tarte de potimarron.

 

« Italienne, vraiment ? » lui demandai-je, intriguée.

« Je ne sais pas, en fait… J’utilise de l’huile d’olive et non du beurre, je fais des pâtes. Mais bien sûr, je suis très influencé par Passage 53. » me répond-il, tout aussi dérouté.

Il y a des pâtes fraiches dans tous les menus – et même deux ! dans le plus grand.

Allez, on va dire que c’est italien.

 

Mousse de chou-fleur, agréablement tiède. Espuma de lait et d'huile d'olive, chou-fleur râpé, amandes. Gros clin d'œil à Passage 53.
Mousse de chou-fleur, agréablement tiède. Espuma de lait et d’huile d’olive, chou-fleur râpé, amandes.

 

Là où la méticulosité du Japonais rencontre la spontanéité de l’Italien. Avec une bonne cuillerée de savoir-faire français.

J’ai découvert avec beaucoup de plaisir et de surprise, une cuisine dont la plus grande qualité me semble être une belle limpidité. Légèreté et transparence sont aussi les mots qui me sont venus à l’esprit. Une cuisine épurée sans austérité ni japonisme. Droite comme une ligne, virtuose comme une sonate de Mozart.

 

Saint-Jacques, crème de raifort, pousse d'épinard, 2 betteraves rôties. Avec une fine galette de salsifis à l'oignon rouge et au comté.
Saint-Jacques, crème de raifort, pousse d’épinard, 2 betteraves rôties.

 

Le lieu montre l’absence de financement extérieur. On m’avait dit que Koji Higaki avait travaillé du mardi au samedi chez Passage 53 tout en faisant des extras ailleurs les dimanches et lundis. Pour économiser de quoi faire venir son épouse du Japon et monter un restaurant. Cela se voit. La décoration intérieure est simple et claire, avec des nappes blanches et des couverts en inox. Mais un frigo à vins incongru règne dans un coin de la salle et les finitions de peinture ne sont parfois pas si brillantes si on les regarde de trop près.

 

Focaccia. Qui m'a fait beaucoup penser à un pain vapeur japonais.
Focaccia. Qui m’a fait beaucoup penser à un pain vapeur japonais.

 

Peu importe car on ne mange pas les murs. Et ce qui est servi dans les assiettes est beau. Vraiment beau. Avec des dressages simples mais des saveurs à la fois riches et pures qui ne cherchent ni à choquer ni à s’imposer mais juste faire plaisir avec beaucoup de délicatesse.

 

Cabillaud pané au risotto d'encre de seiche, navet. Condiment de fanes à l'huile d'olive. Sauce de bouillon de coques et jus de navet.
Cabillaud pané au risotto d’encre de seiche. Navet mariné et navet grillé. Condiment de fanes à l’huile d’olive. Sauce de bouillon de coques et jus de navet.

 

En amuse-bouche, une « olive noire » qui m’a réveillée en sursaut. Aussi inattendu que bon, c’est un œuf de caille enrobé d’une poudre humide toute noire.  La mousse de chou-fleur dont la tiédeur était résolument réconfortante par ce temps d’hiver brutal, rappelle évidemment le chou-fleur de Shin Sato mais n’en est pas moins bonne.

La Saint-Jacques en lamelles crues, sur une sorte de tarte ou galette de salsifis à l’oignon rouge et au comté, tout en douceur et rondeur. Avec une crème de raifort pour rafraichir et des betteraves rôties. Divin.

Le cabillaud pané tout croustillant dans un « risotto d’encre de seiche » était vraiment excellent. Quelques fines tranches de navet qui m’ont fortement fait penser à un tsukémono ultra-raffiné spécialité de Kyoto.

 

Pintade rôtie, poudre de carotte, huile de cresson, tartare de moules à l'échalote et Granny Smith...
Pintade rôtie, poudre de carotte, huile de cresson, tartare de moules à l’échalote et Granny Smith…

 

La pintade – que je n’aurais jamais prise si ma compagne de table ne l’avait pas préférée au col-vert – était croustillante à souhait, juteuse juste ce qu’il faut, une cuisson magnifique. Avec un condiment de moules et de pomme Granny absolument étonnant.

 

... Autre vue. Avec cocos de Paimpol, jus de moules.
… Autre vue. Avec cocos de Paimpol, carottes, jus de moules.

 

Pâtes fraiches "garganelli", ragoût d'agneau, céleri frit.
Pâtes fraiches « garganelli », ragoût d’agneau, céleri frit.

 

Enfin, les pâtes « Garganelli » étaient tellement al dente qu’elles étaient presque dures, mais non. Une cuisson maitrisée à la fraction de seconde près. C’est fait exprès et c’est succulent.

Tous les menus se terminent par un plat de pâtes…N’est-ce pas merveilleux ?

 

Marron glacé aux épices, meringue et crème de marron. Glace vanille.
Marron glacé aux épices, meringue et crème de marron. Glace vanille.

 

Italie, France, Japon…Mais qu’est ce qu’on s’en fout. À une époque où les frontières des nations menacent de revenir plus dures que jamais, ce mariage des mondes est vraiment très, très, plaisant.

 

Joli choix de vins italiens. Vins au verre à partir de 8€, la bouteille à partir de 35€.
Joli choix de vins italiens. Vins au verre à partir de 8€, la bouteille à partir de 35€.

 

Menus déjeuner: 24€, 38€, 50€
Menus diner: 45€, 65€
(Celui décrit ci-dessus est le menu du soir à 45€)

L’Inconnu
4 rue Pierre Leroux
75007 Paris
Tél: 01 53 69 06 03
Fermé dimanche soir et lundi (ouvert dimanche midi).

rue Pierre Leroux
au 4 rue Pierre Leroux