Une des meilleures cuisines 2012 –Yukawatan, Nagano, Japon

 

Une des meilleures cuisines “françaises” que j’ai eu la chance de rencontrer en ce premier trimestre 2012 est sans aucun doute celle du Yukawatan, à Karuizawa, Japon. En fait, c’est probablement LA meilleure. La présentation est le point faible, à l’oeil, le plat paraît beaucoup moins intéressant qu’il ne l’est. Mais en bouche ! Finesse et précision des saveurs et parfums, originalité des produits et leur utilisation. Bref, le top, quoi.

 

 

 

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Consommé d’anguille et son foie. À tomber…

 

 

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Anguille grillée au sel sur la braise, confiture d’aubergine au dashi parfumé de gingembre, champignons des montagnes de Shinshu, sansho et piment.

Ce qui est étonnant, c’est que c’est à la fois très japonais, avec une maitrise parfaite des techniques et produits japonais, et très français. Cuisine complètement fusion si l’on veut, si ce n’était pas un gros mot auprès des cuisiniers.

 

 

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Oiwana aux achards de première pousse de bambou et pickles de myoga, fleurs de colza, poudre de zeste d’orange.

Très frais, très japonais, un léger piquant de gingembre, le croquant du bambou en dès avec une acidité parfumée de myoga avec le très bon parfum du bambou passé au chalumeau. Poisson également juste saisi au chalumeau sur la surface. Le jeune bambou japonais est bien un produit qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Il est croquant et non fibreux, parfumé et très doux, presque sucré. Il faut dire que la cuisson est parfaite, ça aide…

 

 

 

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Oiwana rôti, chapelure d’herbes, blinis d’igname Jinenjo, igname cru, brunoise de tomates, myoga, échalote, tapenade d’olive noires et pousses de poireaux.

Même poisson, un autre jour,  un plat différent. Ces photos ont été prises pendant une semaine de dégustation non stop. Je m’attendais à saturer au bout de 3 jours, mais au bout du compte, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. J’ai mangé 56 plats en tout.

 

 

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Tartare de poney, pomme de Shinshu, œuf de caille gelé, consommé de cheval et gelée de myoga, fleur de shiso.

J’ai fait gloups quand on m’a dit ce que c’est (le poney…), mais c’était trop bon. Une seule bouchée. Vraiment trop petite.

 

 

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Ichibo de bœuf wagyu, wasabi râpé.

Tout simple, avec du sel et du très très bon wasabi frais râpé. C’était apparemment un bœuf mythique rarissime mais je n’ai pas bien compris pourquoi ni le nom. En fait je n’ai pas fait attention parce que j’étais sceptique, le wagyu en steak, j’ai toujours du mal. Pas cette fois. Et quand je l’ai mangé, j’étais tellement absorbée que j’ai oublié de demander le nom. L’ichibo est la selle je crois.

 

 

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Bœuf premium de Shinshu, première pousse de bambou, vinaigre de Xeres, purée de pommes de terre et wasabi frais.

Ça aussi, à tomber ! Je ne suis pas une fan du wagyu, le gras est trop lourd. Mais ce plat est vraiment très très bon. La bambou, croquant et presque sucré. Le wasabi contre parfaitement la graisse du bœuf, avec son parfum de vert et son piquant subtil.

 

 

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Pigeon, racine de lotus, kabu, mini-carotte, poireau, champignon shimeji “daikoku”, petit vert, et soupe de shungiku.

Peut-être mon plat préféré de la série. Le moins joli, mais quels parfums ! Les légumes sont superbes, et pourtant je ne suis pas fan du végétal. La soupe de shungiku, sublime !

 

 

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Col vert, kumquat et pistaches, ail noir, abats et sauce salmis.

J’ai rarement mangé un aussi bon plat de gibier même en France…surprenant ! Le salmis, très très grand.

 

 

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Déjà postée cette photo, mais je la remets ici. Fraises d’hiver de Shinshu, copeaux de lait, crémet d’Angers. Très joli, belle exécution, mais ce n’est pas mon plat préféré.

 

 

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Yuzu, gelée de champagne, sorbet de yuzu, espuma de yuzu, meringue au zeste de yuzu, menthe et aneth.

Très très frais, tout en yuzu, très acide. Ça, c’est du yuzu ! Ça change de tous ces machins parfumés au jus de yuzu en bouteille qui sont à la mode aujourd’hui. Mais les desserts ne suscitent jamais l’enthousiasme chez moi.

 

 

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Boule de chocolat blanc poudrée de matcha, blanc-manger, hanamamé, fraise, mousse de kinako, miel noir.

Quand j’ai vu ce dessert, j’ai ri. Je l’ai trouvé trop trop gadget. Mais quand on le goûte, c’est tout simplement époustouflant comment le chef a utilisé le matcha, le kinako (poudre de soja sec), le hanamamé (haricot utilisé généralement en sucré) pour faire un dessert aussi solide, goûteux, avec plein de textures, du croquant, du croustillant, du moelleux, du fondant… beaucoup de parfums japonais mais pas fade du tout. Les petites fleurs en sucre ont été formées par une jeune et jolie pâtissière, qui maitrise à fond son sujet. Épatant.

 

 

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Malgré ses airs discrets et effacés, le sommelier (japonais évidemment) ne se débrouille pas mal non plus. Au dîner, nous avons eu droit à accords mets-vins de la région, pas un seul vin importé. C’est normal, le but était aussi la dégustation des produits du terroir…ils ont joué le jeu à fond. Ici, un cabernet sauvignon vendanges tardives, très très bon, produit au Japon par la maison Sogga. Je ne savais pas que le vin japonais avait fait autant de progrès. Ce petit vignoble n’exporte pas, ne vend même pas sur Internet et n’est distribué que par une poignée de distributeurs au Japon.

 

 

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Également de très bons saké, dont celui-ci, un Masumi junmaï daïginjyo de Nagano. Raffiné, joli parfum. Très bel accord avec l’anguille grillée. C’est extrêmement difficile de faire un menu d’accords mets-vins en mélangeant vins et sakés. Je dois dire que le sommelier a parfaitement réussi cette prouesse. Tout est surprenant ici…

 

Ce restaurant se trouve à Karuizawa, dans la préfecture de Nagano. Là où ont eu lieu des JO d’hiver je ne sais plus quelle année. C’est une des rares régions japonaises qui ne touche pas à la mer. Donc, aucun poisson de mer n’est servi. Par contre, c’est aussi une des rares régions où il y a une tradition de gibier.

 

Le chef, Noriyuki Hamada, est encore inconnu, que ce soit au Japon ou ailleurs. Pour moi, c’est une sorte de mutant qui est sorti de nulle part, puisque, contrairement à la grande majorité des Japonais, il n’a jamais été formé ni en France, ni en Italie…en fait, il ne connait que le Japon. Pourtant, il a une maitrise impressionnante de toutes les techniques de la cuisine française (ce n’est pas moi qui l’ai dit mais un chef 3 étoiles parisien qui l’a vu en cuisine sur place).

 

La raison pour laquelle ce chef et ce restaurant sont totalement inconnus, c’est justement parce qu’ils sont à Karuizawa, donc hors du circuit du Michelin et autres guides. De plus, le restaurant a ouvert quelques jours seulement avant le tsunami en mars 2011.  Mais à mon avis, ce chef ne passera pas longtemps inaperçu…

 

Les menus sont à 12000, 16000 et 18000 yen. Entre 100 et 170€. C’est un des meilleurs rapports qualité prix à ma connaissance au Japon.

24 couverts, fermeture le mercredi et une semaine en février.

 

Restaurant Yukawatan

Karuizawa, Nagano

Japon