Shang Palace – encore meilleur qu’avant

Quand le Shang Palace a ouvert en septembre 2011, les Parisiens ont certes admis que c’était un peu plus qualitatif que la norme parisienne mais ont hurlé que c’était trop, trop cher.

Tu te rends compte, 4€ le ravioli ???

Ce qui fait grosso modo 3 à 4 fois le prix des restaurants chinois de Paris.

Le canard pékinois à 160€, ça fait tousser aussi.

Shang Palace
Shang Palace

 

Pour ma part j’avais apprécié l’ouverture de ce qui à l’époque était le seul chinois haut de gamme de Paris.

J’avais toujours trouvé incompréhensible qu’à Tokyo (ville cosmopolite non sinophone avec des tas de restos étoilés et un niveau de vie élevé) il y ait autant de restos chinois « de luxe » alors qu’à Paris (ville cosmopolite non sinophone avec des tas de restos étoilés et un niveau de vie élevé), il n’y en avait aucun – à part quelques restaurants dont la clientèle de touristes devaient se contenter d’une cuisine de quartier à prix Champs-Élysées.

 

L'entrée du restaurant
L’entrée du restaurant

 

J’y ai toujours vu une sorte de chauvinisme ou de différenciation inconsciente: le Français est prêt à règler 300€ l’addition d’un 3 étoiles français, mais pas celle d’un chinois, un coréen, un marocain, un libanais. Sans parler du béninois ou de l’éthiopien, évidemment.

Je mets de côté le japonais car celui-ci a toujours été un cas à part. Une catégorie dont la cherté était admise et acceptée même à l’époque où elle ne coûtait que 50€, aujourd’hui, on trouve plusieurs établissements dont l’addition fait 3 chiffres, même si on n’y va pas vraiment.

Le japonais s’octroie un tel mysticisme et une réputation – généralement justifiée mais pas toujours – de sérieux et de qualité, que même les excès les plus absurdes, comme les nouilles à 14€ pour une dose homoépathique, les gâteaux au matcha pas bons à 6€ pièce, la boulette de riz couverte d’une bande de nori (waouh des algues) à 5€ font fureur.

Pourquoi alors un ravioli fait avec d’excellents produits et une technicité peu commune est-il considéré hors de prix à 4€?

Peut-être parce qu’il est cuit? Puisque le cru est plus cher que le cuit…

Non, c’est tout simplement parce qu’il est CHINOIS.

Malheureusement, la cuisine chinoise ne jouit même pas d’un quart de cette espèce d’adoration aveugle que l’on voue à la cuisine japonaise. Pourtant (et objectivement) elle est bien plus riche aussi bien techniquement qu’en complexité, profondeur, recherche et variété.

Pour moi, c’est juste une question de promotion et marketing. Et d’exotisme teinté de la tendance « saine » qui privilégie le poisson aux viandes, le cru au cuit et au gras.

Bref, ça agace.

Je l’ai déjà dit mais les gyoza viennent de Chine, la sauce soja vient de Chine, le miso vient de Chine, le tofu vient de Chine, les nouilles viennent de Chine, même le sushi, quitessence de l’esprit japonais de l’épure etcetera ad nauseam vient de Chine !

Pour en revenir au Shang Palace…je n’avais jamais trouvé cela exorbitant car depuis le début c’était bien travaillé avec de bons produits. Et puis, c’est au Shangri-la et il faut bien payer le service, les nappes immaculées et les baguettes à bout d’argent.

Car si à Paris, il y a d’excellents chinois à des prix défiant toute concurrence, la plupart ont la main lourde avec le glutamate et les produits ne sont quand même pas de première qualité. Après tout, on trouve normal qu’il y ait une différence de prix entre un éclair Carrefour congelé à 2€60 les quatre contre 5€ ou 6€ pièce chez l’Éclair de Génie ou à la Pâtisserie des Rêves…

Depuis le début donc, au Shang Palace, les dim sum, le canard pékinois et le riz sauté du chef étaient bons. Il y avait aussi le plaisir de trouver des vrais thés chinois. Mais le reste ne m’avait jamais paru très intéressant et il y avait une soupe d’ormeaux aux truffes noires ou un truc comme ça qui donnait des envies de meurtre tant c’était cher, chichiteux et sans aucun intérêt.

Alors cette fois aussi, nous nous sommes cantonnés aux dim sum, canard pékinois et riz sauté du chef.

Mais dès la première bouchée, tout était terriblement bon, meilleur qu’avant … ? Quelque chose avait changé.

J’ai senti une différence surtout dans les dim sum. Ils m’ont semblé plus riches, plus volumineux et aussi tout simplement plus gros en taille. Ce qui n’est certes pas forcément une bonne chose – on veut un ravioli pas un chausson – mais quand même.

Cela venait en partie du « dosage » de la graisse, indispensable source d’umami, exhausteur de goût naturel de la cuisine cantonaise … que ce soit dans les rouleaux de crêpe de riz rouge, beaucoup plus goûtus qu’avant, que dans les raviolis de crevettes légèrement translucides avec ces petits plis si difficiles, encore plus fins, fondants et croquants.

Seuls les xiao long bao, ces raviolis contenant une farce et un bouillon de porc, qu’il ne faut absolument pas essayer de croquer sous peine de faire exploser tout le bouillon très chaud sur son chemisier, auraient pu être un peu décevants. La pâte fine, doucement collante, souple et lisse tout à la fois, manquait un peu de cette étonnante capacité à s’étirer sans se casser. C’était peut-être le seul élément du menu dim sum qui laissait un peu à désirer seulement à cause de sa texture, un peu trop serrée à mon goût.

Mais le changement était clair.  Si autrefois les dim sum du Shang Palace étaient bons, ils ne laissaient pas non plus un souvenir impérissable ni ne donnaient envie d’y retourner le lendemain. Alors qu’aujourd’hui, ils étaient exceptionnels.

Le premier service du canard pékinois fut un régal. C’est un plat que j’aime particulièrement et que je ne manque jamais de commander dès que je le vois sur la carte. Le deuxième service était encore plus surprenant. Car ce deuxième service du canard pékinois est rarement bon. Il est presque toujours d’un ennuyeux…

Ayant mangé le canard pékinois à toutes les sauces et à tous les prix un peu partout dans le monde depuis que je suis toute petite, c’est un plat que je commence à bien connaitre et celui-ci figure parmi les cinq doigts de ma main. La dernière fois que j’ai mangé un tel canard était lors d’un séjour à Canton en 2004 ou 2005. Nous avions trouvé un restaurant qui servait un canard pékinois tellement bon que nous y sommes retournés tous les jours pendant 6 jours. Mon mari, qui est Français, a un tout petit blocage à l’idée de ne manger que la peau du canard, et il en avait marre à force.

Je suis sortie du Shang Palace avec une seule envie : y retourner, pour essayer les plats plus créatifs. Car s’ils sont capables de nous couper le souffler avec un léger déjeuner composé de dim sum et d’un canard, de quoi seront-ils capables avec toutes les lignes de cette grande carte?

En rentrant chez moi, un petit coup de Google m’apprend que le nouveau chef, Samuel Lee Sum, est un hongkongais de 33 ans arrivé du Shangri-la de Wenzhou en avril.

Aha. Ben voilà.

La prochaine fois, revivre ces mêmes grands classiques ou s’aventurer dans la nouveauté ? Délicieux dilemme !

 

shang palace-amuse bouche
En amuse-bouche, des concombres à la sauce soja…que je n’ai pas goûté car les enfants ont tout mangé ! Verdict : « trop bon »

 

Un peu light pour moi. Un très bon thé, mais j'aime mon thé avec plein de feuilles.
Ti Guan Yin pour commencer. Un peu light pour moi. Le thé est très bon mais j’aurais préféré plus de feuilles. Comme je bois du thé à longueur de journée, à force, je l’aime très fort.

 

Bons mais j'ai connu mieux à Tokyo, Hong Kong et bien sûr Canton.
Xiao long bao. Bons mais j’ai connu mieux à Tokyo, Hong Kong et Canton.

 

Crêpes de riz rouge superbes. Dedans une crevette frite comme en tempura. Énorme travail.
Cheun fan. Crêpes de riz rouge superbes. Dedans une crevette frite comme en tempura. Énorme travail.

 

Des siu mai, assez gros et très très bons.
Siu mai, assez gros et très très bons.

 

Har gau gros, pulpeux, qui fait plutôt deux bouchées. Une crevette presque entière à l'intérieur.
Ha kao gros, pulpeux, plutôt deux bouchées qu’une. Une crevette presque entière à l’intérieur qui croque.

 

Y'a pas à dire, le pu-erh c'est mieux avec cette cuisine, surtout qu'il est bon.
Y’a pas à dire, le pu-erh c’est mieux avec cette cuisine, surtout qu’il est bon.

 

Ah! Voici arrivé notre canard.
Ah! Voici arrivé notre canard.

 

...et les crêpes.
…et les crêpes.

 

Il faut vraiment être empeteur d'un immense pays pour imaginer un plat pareil...summum du luxe.
Il faut vraiment être empereur d’un grand pays d’une immense richesse pour imaginer un plat pareil…Excellente découpe du canard où souvent, il y a trop de gras qui reste sous la peau. Ici, c’est parfait, fin et croustillant sans graisse superflue.

 

Concombre, blanc de poireau, la peau du canard, un peu de sauce hoi sin et voilà.
La peau du canard, un peu de concombre et de blanc de poireau, de la sauce hoi sin et voilà.

 

Alors que souvent, le deuxième service du canard pékinois, fait avec les "restes" c'est à dire du canard dont on a enlevé la peau, ne présente aucun intérêt, celui-ci est très très bon. À rouler dans une feuille de salade.
Alors que le deuxième service du canard pékinois fait trop souvent office de prix de consolation, fait avec les « restes » du canard dépourvu de ses meilleures parties, c’est à dire de la peau, celui-ci est très très bon. À rouler dans une feuille de salade.

 

boules de riz aux fruits
Boules moelleuses à la crème montée et aux fruits frais. Légères comme tout, les enfants ont adoré.

 

crème de mangue
Délicieuse cème de mangue, pomelo et perles de sagou. Textures, sucre et acidité douces, un dessert merveilleux.

 

La carte
La carte

 

Au revoir !
Au revoir !

* Les dim sum ne sont servis qu’au déjeuner.

Prix total du déjeuner à la carte (nous étions 6 dont 2 enfants): 488€

2 ha kao
2 siu mai
2 xiao long bao
2 cheun fan
1 canard pékinois
1 riz sauté du chef
4 desserts

1 thé jasmin
1 ti guan yin
1 puerh
2 Évian
3 espresso

Shang Palace
Shangri-la Hotel
10 avenue d’Iéna
75016 Paris
Tél: 01 53 67 19 92
Fermé mardi et mercredi