Kisin – udon tout frais

Malgré le succès de Sanukiya, Jubei et Kunitoraya, les restaurants d’udon restent rares à Paris. Ouvert il y a tout juste une semaine, Kisin « le cœur qui se réjouit » est le petit nouveau.

Le cas est original. Récompensé d’un Bib gourmand dans le Michelin de Tokyo, il a fermé boutique pour se réinstaller à Paris.

 

Asahi pression.
Asahi pression.

 

En général, quand une affaire marche à Tokyo, on ouvre une succursale. Mais je n’ai jamais entendu parler d’un restaurant qui se délocalise de Tokyo à Paris.

Peu importe, nous y voilà. Alors, quid de ces nouilles?

Pour conclure – avant de développer – c’est de loin l’udon le plus sérieux et engagé de Paris.

Chez Kisin, l’udon est fait maison. Le chef me dit qu’aucune farine en France ne convient car trop chargée en protéines, donnant une nouille trop ferme, trop élastique. Effectivement, j’ai déjà essayé d’en faire et cela donne une nouille qu’on peut cuire aussi longtemps que possible, elle reste obstinément al dente, avec une texture dure qu’on pourrait associer à un chewing gum trop mâché.

 

Le bol d'udon chaud.
Le bol d’udon chaud.

 

La farine est importée du Kyûshû. L’eau est française mais adoucie. Cela ne donne quand même pas la même nouille qu’au Japon, dit le chef. Le katsuobushi – la bonite séchée qui sert de base au bouillon – qu’il est interdit d’importer entier (c’est à dire non râpé) en France à cause de la moisissure sur sa surface, vient de Bretagne. La sauce soja est artisanale. Il n’y a bien entendu aucun ajout de type glutamate, sauces industrielles, colorants…

Voilà. Tout est très sérieux et engagé.

Et les nouilles sont bonnes. Elles sont évidemment fraiches, avec une élasticité présente sans être oppressante, le caractère lisse qu’on attend d’un udon, la souplesse qui va bien et des irrégularités qui dénotent la nouille coupée manuellement, au couteau.

Le bouillon est de « type Kansaï » c’est à dire clair, peu sucré et fin. Les udon à Paris semblent tous privilégier ce style, qui est accepté au Japon comme étant moins vulgaire que le bouillon populaire de Tokyo.

 

Tofu frit au gobô et fromage à raclette.
Tofu frit au gobô et fromage à raclette.

 

Nous n’avions pas très faim et nous avons pris une entrée seulement : le tofu frit farci de gobô et de fromage à raclette. C’est le côté saugrenu de la chose qui a chatouillé ma curiosité. C’est bon, ça marche assez bien, ça se grignote agréablement.

 

Mon tempura.
Mon tempura.

 

Le kakiagé de mon mari.
Le kakiagé de mon mari.

 

En « plat principal » nous avons évidemment pris des udon chauds, mon mari au kakiagé de crevettes; moi, au tempura, avec 2 crevettes, seiche, poivron jaune, courgette, carotte, aubergine, shiitaké frais.

Et là, déception. La friture est trop lourde et croustillante. Du coup le kakiagé était assez indigeste, et j’ai trouvé le tempura bourrin (j’aime mieux le mien, pour vous dire).

Mais je pense sincèrement qu’il faut leur donner un peu de temps car l’huile de friture en France reste un énorme obstacle.

Pour comparer avec les autres restaurants d’udon, la friture chez Jubei est tout à fait correcte bien qu’augmentée c’est à dire avec beaucoup de pâte pour ajouter du volume, pratique courante et attendue dans les cantines au Japon. Je n’aime pas du tout celle de Sanukiya dont l’huile me dérange vraiment mais apparemment je suis la seule. Pour moi, le meilleur tempura de Paris est sans conteste celui de Yen. Mais il faut payer le prix car l’assortiment de tempura chez Yen est à 34€, ici il est marginalement plus petit mais ne coûte que 18€ avec le bol d’udon.

La prochaine fois, chez Kisin, j’essaiera l’udon au curry ou l’udon au mochi. Ou encore le tataki de bœuf et un udon froid nature.

Le choix est encore limité à midi. Toute la carte est disponible le soir. Les prix sont raisonnables pour ce petit milieu de la restauration « authentique » japonaise, et par le contenu, et par la qualité.

En tout cas, aujourd’hui, avec la possibilité de réserver, sans faire la queue, avec un service gentil et aucun raccourci sur la qualité, c’est l’udon que je préfère à Paris malgré quelques maladresses qui seront sans doute gommées avec le temps.

 

Ce soir, il n'y avait que des Japonais.
La salle, assez grande, est toute en longueur avec le poste à nouilles vitré au fond.

 

Comme Kisin vient d’ouvrir, pour l’instant il n’y a que des clients japonais, qui connaissaient le restaurant de Tokyo. La clientèle totalement japonaise et la décoration intérieure du restaurant lui donnent une ambiance d’izakaya moderne 100% tokyoïte. Si ce n’était la petite serveuse française qui visiblement maitrise un peu le japonais, on s’y croirait.

Sur leur page Facebook que vous aurez du mal à trouver car elle est uniquement en japonais… la vidéo de la confection de l’udon par le chef. En attendant le pétrin électrique, il pétrit à la main.

https://www.facebook.com/kishin.paris/?pnref=story

Udon de kakiagé de crevettes 17€
Udon de tempura 18€
Tofu frit au gobô et fromage 12€
Un demi d’Asahi pression 5€
Thé 4€

Kisin
7-9 rue de Ponthieu
75008 Paris
Tél: 01 71 26 77 28

L’udon
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’histoire de l’udon est beaucoup plus ancienne que celle du soba (nouilles de sarrasin). Venue de Chine, la nouille de blé existe au Japon depuis fort longtemps. En théorie, le terme « udon » est générique pour pratiquement toutes les nouilles traditionnelles à base de blé, comme le somen (vermicelle), le kishimen (tagliatelle), le hiyamugi (udon fin) etc. Mais dans la pratique, il désigne une nouille blanche dont la pâte est pétrie (traditionnellement piétinée), abaissée et détaillée au couteau, de forme donc rectangulaire à la coupe, dont le côté large doit faire 1,7mm minimum. La pâte peut être étirée, donnant alors une nouille cylindrique avec une diamètre de 1,7mm. L’udon est consommé partout au Japon. Plusieurs régions revendiquent son origine. L’udon de Sanuki est connu pour sa grosseur. Celui d’Inaniwa est fin et très souple. L’udon de Gotô est étiré en formant des « 8 » avec deux bâtons.

La friture japonaise
Tous les chefs japonais (de cuisine japonaise) me le disent : il n’y a pas d’huile en France adaptée à la friture ultra légère japonaise du tempura. Dans les restaurants de tempura huppés au Japon, la composition de l’huile de friture est un secret détenu par le chef, comme l’assaisonnement du riz du sushi. Il s’agit le plus souvent d’un mélange d’huiles très raffinées, avec un indice d’iode qui se situe entre 100 et 130. On retrouve de l’huile de soja, de sésame cru, d’arachide, de coton, de colza… Ces huiles sont difficiles voire impossibles à obtenir en France et de toute façon ne sont jamais assez raffinées pour le tempura.