Astrance–Diner en famille

Cela fait 4 ans que je fréquente assidument l’Astrance et suis époustouflée par l’évolution de la cuisine de Pascal Barbot. C’est de plus en plus construit, complexe. Je me demande jusqu’où il ira. Dans 10 ans, ce sera soit la simplicité extrême, genre steak frites, soit la schizophrénie totale, ou alors il sera parti à la retraite traire les vaches à la campagne. Ou plutôt, retraite de yoga en Inde…mais pour cela il faudra aussi changer de personnalité.

 

Enfin, pour aujourd’hui en tout cas, il nous régale avec une cuisine très complexe sous une simplicité apparente. Ce n’est pas une complexité “normale”. Lorsqu’on parle de complexité, d’habitude, on fait référence à la technique, ou à une construction. Alors qu’ici, c’est la complexité du goût et de la pensée…bref, c’est compliqué…

 

Pour commencer, les brioches à la truffe noire et les palets pomme-amande. Remarque de ma fille cadette, 6 ans: “Je voudrais de la brioche comme ça tous les matins à la maison, mais sans le truc noir”. Remarque de ma fille ainée, 23 ans: “T’as qu’à me les donner, les trucs noirs”.

 

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Le repas a commencé “pour de vrai” avec une soupe au pain grillé, spécialité hivernale de la maison. Y’a qu’un Auvergnat pour penser à “recycler” le vieux pain, de le cramer et en faire une soupe tellement chaleureuse, réconfortante, qu’on se détend d’un coup, comme quand on se retrouve devant un feu de cheminée en rentrant du froid. La soupe est néanmoins difficile car fumée, grillée, acide (agrume?) goûteuse (bouillon de volaille?)…

 

 

foie gras champignons

 

 

Une autre spécialité de la maison, qui ennuie sérieusement le chef, mais qu’il ne peut pas arrêter parce que les clients le réclament, et puis, c’est devenu un plat signature. La tarte de foie gras et champignons, toujours aussi bonne, toujours aussi fraiche, toujours pétante de la sublime qualité des produits. Avec sa “flaque” de pâte de citron rôti et d’huile de noisette.

 

 

huitre

 

 

Et voici un nouveau plat, ou devrais-je dire, une variante (la N-ième) d’huitre et coquille saint-jacques au beurre de kombu et kombu confit. Pascal Barbot maitrise aujourd’hui à fond le kombu, qui est pourtant un produit difficile. A ma connaissance, c’est le seul à savoir vraiment utiliser le kombu en d’autres préparations que pour le dashi. L’huitre est juste raidie dans sa coquille : elle garde le goût de l’huitre à 100%, ou plutôt, à 150% car la cuisson décuple les saveurs. Le beurre de kombu est un concentré de kombu, qui ressemble beaucoup à un tsukudani (sorte de confit) de nori que nous avons chez nous au Japon. Sauf que le beurre a un goût de réglisse que notre tsukudani de nori n’a pas. Quelques petits carrés de kombu confit et une grande mousse de lait complètent le tableau.

 

 

st jacques

 

 

Dans un petit bol sur le côté, une SUPERBE coquille St-Jacques, d’une qualité jamais vue. Elle est également juste raidie, probablement dans sa coquille et cuite sous vide. Du yuzu confit et un chou pointu dé-li-cieux. De la verdure, comme d’habitude, herbe à huitre et pousses de je ne sais quoi. Un petit bout de moelle pour donner du gras, et un autre petit bout de quelque chose, qui ressemble beaucoup à notre daikon en nara-zuké (tsukémono de daikon à la mode Nara).

 

 

st pierre

 

 

Le saint-pierre, toujours d’une qualité irréprochable, un nacré qu’on ne voit que rarement ailleurs. Les cuissons sont parfaites au poil près, évidemment. Remarque de ma fille cadette: “Il est parfait ce poisson”. Remarque de ma fille ainée “Donne moi tes épinards”. Pousses d’épinards, confiture de poire-gingembre et crème de miso blanc. Ce dernier est une nouveauté, on dirait presque du beurre de cacahuètes avec de la crème sans le sucre, et avec un sel plus goûteux. Bref, du miso blanc quoi.

 

 

raviole potimarron

 

 

Ravioles de potimarron, jus d’étrilles. Cela doit faire 3 fois de suite qu’on me sert ce plat, mais il évolue à chaque fois. C’est très intéressant de constater les différences…et je suis très consciente que c’est un luxe dont je suis reconnaissante. A chaque fois, il y a plus de goût, en concentration (plus goûteux) et en diversité (plus de goûts). Là, il y a une noisette en plus, qui donne un fumet et un croquant très agréables. J’ai l’impression qu’elle est caramélisée, mais avec une seule noyée dans tout le reste, c’est difficile à dire. Sous les ravioles un lit de “machin” super compliqué, avec un goût prédominant de crabe. Le jus est effectivement un jus de crustacé très très riche et concentré.

 

 

 

creme truffe

 

 

Voici un plat que je commence à bien connaitre, encore un plat signature de l’Astrance, mais dont je ne me lasserai jamais. Crème de truffe, crème de parmesan, crème de céleri. C’est “simple” mais c’est tellement bon ! On en voudrait des saladiers entiers, mais non. C’est crémeux, c’est tendre en bouche, c’est riche, réconfortant, vous détend corps et âme jusqu’à la moelle épinière. Un grand grand plat celui-là, avec je ne sais combien de couches de goûts dans chaque cuillerée.

 

 

canard croise

 

 

La canard croisé, col-vert et barbarie. Aux airelles, pâte de griottes et jus de truffe. Petits poireaux. Un plat énorme, pas en taille, mais en dimension gustative. La viande est sublime. Je n’ai pas compris ce que c’était il a fallu que je demande à Thomas, car il était trop “light” pour être pigeon, trop fin en grain pour être un canard. Le canard est plus plon plon. Le pigeon est plus fauve, si je pousse un peu la comparaison. Cela me fait penser aux animaux de lait, comme l’agneau de lait, le cochon de lait, le veau de lait. Une chair tendre, fine, très très délicate, qui frise le manque de goût à cause de sa grande jeunesse. Ceci pourrait être un canard de lait, si c’était biologiquement possible…Le jus est formidable. Pascal Barbot soulignait l’importance et la difficulté d’un bon jus. Eh bien, on peut dire que la difficulté est parfaitement surmontée.

 

Ce qui est sympa dans cette cuisine, c’est la liberté de jouer dans l’assiette. Dans ce plat de canard, par exemple, le jus de viande parfumé avec beaucoup de brisures de truffes se mélange avec le jus des airelles. C’est, bien évidemment fait exprès. Du coup, avec deux éléments, nous avons trois goûts, avec tous les dégradés entre chaque. Alors, chaque bouchée est différente et n’est jamais reproductible.

 

Après le pré-dessert, toujours ce même sorbet piment-citronnelle, arrive un nouveau dessert que Thomas a du mal à décrire: “Une sorte de mousse plus compacte, un peu comme de la guimauve mais en plus léger, je ne sais pas comment vous le décrire”. Avec une plaque de caramel, qui cache qu’au centre de la “mousse” il y un carré rempli de confiture de fruits, de coing et d’agrumes je crois.

 

 

 

dessert 1

 

 

Suivi des deux desserts, dont un que voici:

 

 

dessert 3

 

 

Une petite tartelette de fruit de la passion.

 

En mignardises, les madeleines et les fruits. Café et thé.

 

Les vins étaient particulièrement bons ce soir-là, ou étaient-ce les accords qui étaient encore plus réussis que d’habitude, je ne sais pas.  Je ne me souviens plus du premier, mais le Pouilly-Fuissé, Clos de Monsieur Noly, du domaine Valette 2000 était top de chez top. Issu d’une parcelle mythique, vieilli en fût de chêne pendant 60 mois, il est d’une grande intensité et d’une complexité aromatique absolument génial. Et le Chambolle-Musigny, qui s’avère être un de mes vins préférés, du domaine Roumier, millésime 2002, était vraiment très beau. Alexandre le sommelier nous a expliqué qu’il n’en avait que 3 bouteilles par an…alors autant vous dire que j’ai beaucoup culpabilisé quand je n’ai pas pu finir mon verre.

 

 

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